La déclaration adoptée par les membres en 2002 : Declaration_OQD_2002
Déclaration pour une démocratie active
Pour une véritable démocratie au Québec… la souveraineté du peuple, pour le peuple, par le peuple
Parce que la démocratie constitue un droit fondamental et universel, tel que le reconnaît l’article 21 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, et parce que de manière plus pragmatique, elle est la moins pire forme de gouvernement, comme le disait Churchill, nous croyons qu’il est impératif de nous assurer de l’intégrité, de la légitimité et de la collégialité de nos institutions démocratiques au Québec.
La participation citoyenne et démocratique constitue un défi majeur pour nos sociétés modernes. Comment pouvons-nous vivre ensemble, gouverner et gérer un État démocratique? Comment garantir le bien public tout en protégeant les libertés et les droits individuels? Comment faire en sorte d’échapper au sentiment d’impuissance qui nous habite lorsque l’on songe à tout cela. Quels doivent être nos rapports avec l’État, dans une perspective démocratique, au-delà de notre participation aux dépenses publiques, et de la participation électorale?
La démocratie se nourrit de la reconnaissance et de l’exercice de la souveraineté du peuple; c’est l’exercice du pouvoir par le peuple, pour le peuple. La question démocratique ne peut être réduite à déterminer comment le peuple se désigne un roi, une fois à tous les quatre ans, pour retourner ensuite tranquillement à ses affaires privées. Ce qui donne un sens à la démocratie c’est tout ce qui se passe entre deux élections. La participation démocratique c’est le processus de délibération et de négociation collective du contrat social qui permet au peuple d’exercer la souveraineté qui est la sienne, guidé en cela par les élus qu’il désigne à cette fin. La vitalité démocratique se mesure à l’aune de l’engagement des citoyennes et des citoyens dans la gestion des affaires publiques; elle se nourrit des débats publics et de la délibération collective.
La délibération est la mère de la démocratie. Elle substitue la parole à la force, remplace le champ de bataille par une arène où la rhétorique et la raison départagent les vainqueurs. L’arène politique est le lieu où la parole se substitue à la violence. Tous et toutes conviennent d’avance de se soumettre à l’issue de cette joute publique. La parole et le dialogue fondent la raison d’État et enfantent la justice. Gouverner démocratiquement c’est l’art d’énoncer, de clarifier les enjeux conflictuels et de réguler leur résolution. Gouverner ce n’est pas seulement exercer l’autorité c’est aussi mettre en scène le processus collectif de délibération et de résolution des conflits, c’est gérer un processus complexe, transparent, public et collectif de prise de décision.
On a souvent déploré la perte de confiance des électeurs envers leurs élus, la désaffection des citoyennes et des citoyens envers le processus électoral, l’indifférence ou le sentiment d’impuissance qui nous portent à tourner en dérision l’engagement politique. Cette perte de légitimité de nos gouvernements a inspiré au Québec, comme dans plusieurs autres nations occidentales, une remise en question des modalités de nomination de nos élus. Nous croyons néanmoins que si nous voulons revitaliser la démocratie, il faudra plus qu’une réforme des processus électoraux. Nous devrons redonner sens et vitalité à l’engagement des citoyennes et des citoyens au sein de leur communauté locale et régionale tout autant qu’au sein des appareils partisans et politiques provinciaux.
Nous croyons que la démocratie est fragile et qu’elle est actuellement en péril, rongée par la désaffection électorale des citoyennes et des citoyens, par le remise en question du rôle de l’État et de l’efficacité de l’administration publique et par la soumission des gouvernements à des impératifs économiques nationaux et internationaux, tout cela au détriment des valeurs de solidarité, d’égalité, de justice qui ont alimenté la création du «modèle québécois». C’est pourquoi nous soutenons toute réforme qui vise à améliorer ou promouvoir la participation démocratique; mais nous croyons qu’il ne suffira pas d’accroître la crédibilité et la légitimité de nos gouvernants. Il faut redonner de véritables pouvoirs aux citoyennes et aux citoyens.
Si les fondements éthiques de la démocratie sont relativement clairs, si l’on sait qu’elle repose sur les valeurs d’équité, de solidarité et de justice, il est beaucoup plus difficile de s’entendre sur les modalités et les moyens qui permettent à une nation d’incarner l’idéal démocratique. La démocratie évolue dans le temps et l’espace, elle est le fruit d’un consensus perpétuellement renégocié et nous croyons qu’il est temps au Québec de repenser la participation démocratique.
Mais où, et comment devons-nous participer? Boutros Boutros-Ghali affirmait en 1996 que la
«démocratie est un processus conduisant à une société plus ouverte, plus participative, moins autoritaire. Cette démocratie est un système de gouvernement qui incarne l’idéal du pouvoir politique fondé sur la volonté du peuple dans une variété d’institutions et de mécanismes». [1]
Les modalités de participation démocratiques sont infiniment variées. Que ce soit au moyen de marches en faveur de la paix, dans le cadre de colloques sur le «modèle québécois», par le biais d’une consultation ou d’États généraux sur les institutions démocratiques, que ce soit au sein des conseils d’administration des établissements de santé et de services sociaux, au sein des commissions scolaires, des comités d’école, des conseils municipaux, au sein d’organismes communautaires; que ce soit au niveau local, régional ou provincial, dans un secteur ou l’autre des activités de l’État, toutes les fois où les citoyennes et les citoyens participent au processus de décision concernant les orientations, les politiques, les projets de loi ou de règlement publiques ils contribuent à la vitalité de la démocratie.
Revitaliser la démocratie c’est d’abord reconnaître la contribution de milliers de personnes au Québec, engagées au sein d’une diversité d’organisations politiques, sociales, publiques et parapubliques. Vue sous cet angle, la démocratie québécoise jouit certainement d’une vitalité appréciable.
Cette démarche nous semble essentielle à la revitalisation de la participation démocratique; parce que la vitalité de la démocratie repose d’abord sur un débat permanent quant aux structures et aux modalités au sein desquelles nous désirons la voir s’épanouir. Parce que
« Les régimes ou les mouvements sont démocratiques quand le peuple détermine ses règles et, ce faisant, se constitue comme une communauté de citoyens actifs. La démocratie est alors un régime d’actions à l’intérieur duquel le peuple constitue sa propre communauté, ses institutions, son encadrement social. C’est en même temps un engagement culturel, une sociologie de l’égalité et de la réciprocité et une politique de la participation et de la créativité » (Burton et Murphy, cité dans Léonard, 1985, p 59). [2]
La démocratie évolue dans le temps et l’espace, elle émerge de la culture pour devenir un régime d’actions, de normes, de pratiques et d’institutions. Les multiples dimensions de la démocratie, qui la rendent insaisissable, nous incitent à en rechercher la signification à la frontière entre la société civile et l’État. La définition de cette frontière constitue l’un des enjeux les plus importants du développement démocratique.
Ainsi pour incarner l’idéal démocratique nous devons débattre des multiples tensions qui habitent la participation démocratique: entre le bien public et les intérêts individuels, entre la représentativité et les exigences d’une véritable délibération, entre la société civile et politique. La démocratie est multiforme, variable, insaisissable. Toute définition de la participation démocratique devra refléter ces tensions, cet équilibre, toujours renégocié, entre l’idéal démocratique et la diversité des formes et des lieux où elle s’incarne.
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1 Boutros Boutros-Ghali, décembre 1996, Organisation des Nations Unies: Agenda for democratization, fifty first session, Agenda item 41, p. 2..
[2] LÉONARD, Jean-François, (1985), L’évolution du sens démocratique dans l’administration publique québécoise: Une étude des rapports de l’Etat aux organisations populaires, à travers l’analyse de politiques publiques québécoises (1969-1980), thèse de doctorat d’Etat en Science politique, Grenoble: Institut d’études politiques de Grenoble.